Avis défavorable de l’association Sauvons la Butte-Rouge
L’association Sauvons la Butte-Rouge émet un avis défavorable à ce projet de rénovation de la Cité-Jardin de la Butte-Rouge, car il est flou, contradictoire avec les recommandations des experts en architecture et en environnement et repose sur des arguments fallacieux. Ce flou est très inquiétant car on demande au public de se prononcer sur un projet dont de nombreux aspects ne sont pas révélés. Sur quoi doit-il se prononcer : des intentions mal définies, des supposés ? Le flou permettra de faire évoluer le projet selon le bon vouloir du porteur de projet, sans aucune concertation, sans aucun contrôle. A quoi sert une enquête publique si c’est une mascarade ?
LE PORTEUR DE PROJET UTILISE DES ARGUMENTS FALLACIEUX POUR LE JUSTIFIER
La région Ile de France obligerait la commune à construire 800 logements. S’il est, en effet, nécessaire de construire des logements, l’objectif appliqué à la commune est de 150 logements par an (source Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement d’Île-de-France). Sur la période 2015 à 2022, il y a eu en moyenne 480 logements construits (source Sitadel2), ce rythme devrait être maintenu avec les projets de construction annoncés (par exemple 400 logements sur le site d’un stade). Le quota est donc largement dépassé, rien n’oblige à densifier la Butte-Rouge.
Réhabiliter les logements sans modifier les bâtiments ferait perdre environ 800 logements. Or le projet de réhabilitation des 3 bâtiments de l’avenue Saint-Exupéry démontre le contraire. Il y a 24 logements, il y aura toujours 24 logements après réhabilitation.
L’une des motivations de ce projet de rénovation urbaine est la volonté d’introduire de la mixité sociale à la Butte-Rouge. Cette mixité sociale masque une volonté de gentrifier le quartier : c’est 1700 logements sociaux qui disparaîtront, puisqu’il y aura 40% de logements sociaux, 20% de logements intermédiaires et 40% de logements privés. Parallèlement aucune obligation de mixité sociale n’est imposée dans les projets de construction des autres quartiers de la ville. Il s’agit donc bien de gentrifier ce quartier et la ville, alors que la région parisienne connaît l’une des plus graves crises du logement social.
SUR LA RENOVATION DES 3 BATIMENTS DE L’AVENUE SAINT-EXUPERY
Le porteur de projet choisit de faire une isolation thermique par l’intérieur, alors qu’une isolation par l’extérieur serait plus efficace, sans réduire la taille des appartements. Les appartements pourraient alors se rapprocher des nouvelles normes de confort préconisées dans le « Rapport de la mission sur la qualité du logement – Référentiel du logement de qualité » rendu le 8 septembre 2021 à Emmanuelle Wargon, alors ministre du logement.
Le document 5_1_2 p33 et 34 nous montre un projet très éloigné de ces recommandations. Des séjours d’environ 20m² aujourd’hui seront réduits à 14m² (p34) ; des cuisines avec fenêtre qui deviennent des pièces aveugles (p 33) dans les appartements PMR. Si c’est cela l’adaptation de la Butte-Rouge aux nouvelles normes de confort tant vantées par M. le Maire, il vaut mieux conserver les anciennes normes !!!!!
Le porteur de projet veut construire des balcons (très étroits, donc de peu d’intérêt) en façade nord ce qui va à l’encontre de toutes les recommandations (par exemple celle de Frank Boutté doc 4_2_1). L’ouverture de portes fenêtres entraînera des dépenses énergétiques plus importantes.
Cette rénovation est très coûteuse. Qu’est-ce qui justifie ce choix ? Les appartements resteront-ils des logements sociaux à faible loyer ? Rien ne le garantit.
Des parkings souterrains seront construits là où il y a de grands arbres répertoriés (Exemple, zone PK1, mémoire en réponse p56 ; Analyse phytosanitaire 4_2_2 p 9). Ces arbres seront obligatoirement abattus. Or, si on lit les recommandations du cabinet de Franck Boutté « La préservation de bâtiments existants et le maintien de places de stationnement aériennes sont des leviers de sobriété majeurs » favorisés par la présence du tramway (document 4_2_1 p9). Et les études d’impact montrent que « la protection du patrimoine arboré est un enjeu majeur pour l’environnement de la Cité-Jardin » (document 2_2 p14).
Dans les projets qui nous avaient été présentés en 2017, dans le cadre du protocole de préfiguration avec l’ANRU, il avait été diagnostiqué, en fonction du taux de motorisation, un besoin de 0,8 places par logement (source Protocole de préfiguration ANRU p7). Le manque de parking justifiait (en partie) le projet, même si, en fait, 35% des places de parking étaient vacantes, malgré un prix de location faible, entre 5€ et 32€ pour les box (document 2_3 p218). Dans le projet actuel les besoins sont estimés pour 2035 à 0,6 places par appartement. Le manque de parking n’était donc qu’un prétexte.
Le porteur de projet dit que les espaces verts vont augmenter dans la Butte-Rouge. Est-ce compatible avec la densification et l’élargissement de l’emprise au sol des immeubles ? Les parkings souterrains seront recouverts d’une mince couche de terre, sur lesquels on ne pourra pas planter de grands arbres, pourtant gage de fraicheur. L’espace arboré de la Butte Rouge va se dégrader.
Dès 2018, au début du projet, des immeubles ont été vidés de leurs habitants au motif d’en faire des ilots tests (Mermoz, les escaliers, Lamartine). 240 appartements sont restés vides durant de nombreuses années, sans qu’aucun projet de réhabilitation ne soit présenté, alors que la région parisienne manque de logements sociaux. Le 1er projet arrive aujourd’hui et ne concerne que 3 immeubles de l’ilot Mermoz qui seront réhabilités de manière identique. Que reste-t-il de l’idée de faire des tests ?
SUR L’ANALYSE ENVIRONNEMENTALE
Le moins que l’on puisse dire est que la Mission Régionale d’Autorité environnementale (document N°3) n’est pas convaincue de la pertinence du projet. Voilà ce que l’on peut dégager de la lecture de son rapport :
Les solutions alternatives ne sont pas testées
« Le projet dans son ensemble n’est pas analysé au regard des solutions alternatives qui se présentent à la maitrise d’ouvrage »
En effet, ne sont testés que les choix retenus par le porteur de projet. Donc cette mission d’évaluation environnementale est dévoyée. Elle ne sert pas à éclairer les décisions, mais à justifier celles qui ont été faites antérieurement par le porteur de projet. Par exemple, un consensus se dégage aujourd’hui chez les architectes : réhabiliter les bâtiments existants est 2 à 3 fois moins coûteux que démolir et reconstruire, et beaucoup moins émetteur de carbone, or le projet reste toujours de démolir la majorité des bâtiments. Sur 230 bâtiments, l’aspect extérieur ne sera conservé que pour 23 d’entre eux. Les autres seront modifiés, élargis, démolis…
Pour les parkings souterrains, « L’Autorité Environnementale demande une étude comparative des différents scénarios d’implantation du stationnement automobile ». Elle n’est donc pas convaincue que les parkings en sous-sols soit la meilleure solution (p 18). Par exemple, pour le parking PK1 : des espaces de pleine terre disparaissent, pas moins de 15 arbres sains seront abattus (document 4_1 p 56 il suffit de comparer l’état actuel et l’état projeté).
La réflexion sur les modes de transport est très peu argumentée. En particulier : « l’étude d’impact ne fait pas apparaître de plan de mobilités avec les tracés de cheminements piétons ou vélos » (p 20).
- Les choix ne sont pas justifiés, ils sont trop vagues, non argumentés
D’une manière générale :
« Le dossier avance des principes qui sont pour l’instant assez flous »… (p13)
« La description du projet global de rénovation de la cité-jardin est insuffisante et ne rend pas compte de l’ensemble des opérations programmées. Les pièces graphiques sont généralement trop imprécises pour présenter les interventions prévues sur les bâtiments et les espaces publics et paysagers de la cité-jardin » (p12).
« Les enjeux paysagers et patrimoniaux font l’objet d’une analyse succincte et sont peu illustrés » (p11).
« Le projet portant sur l’ilot test n°1 Mermoz est insuffisamment décrit (…) et les textes n’apportent pas assez d’informations pour situer et comprendre les différentes phases d’intervention » (p11).
« Les zones d’implantation des parkings automobiles souterrains ne sont pas indiqués. Ils sont susceptibles d’affecter la végétation en affectant notamment les réseaux racinaires et en minéralisant le site » (p15).
S’agissant des démolitions reconstructions de bâtiments, la MRAe n’est pas convaincue par les choix de démolir une grande partie des bâtiments de la Butte-Rouge :
« L’Autorité Environnementale constate que ces choix, (…) ne sont pas suffisamment justifiés au regard d’un diagnostic précis de l’état du bâti (salubrité, qualité architecturale, etc.). L’analyse architecturale et sanitaire est insuffisamment détaillée et n’apporte donc pas d’arguments nécessaires pour motiver les choix de la démolition d’un grand nombre de bâtiments. En particulier le dossier ne démontre pas l’impossibilité de parvenir à une performance énergétique suffisante par la seule rénovation de ces logements » (p16).
Sur l’aspect paysager, qui est une des caractéristiques remarquables de la Butte-Rouge :
« Le dossier contient peu d’informations sur la stratégie paysagère et sa mise en œuvre » (p15).
« Le dossier doit développer la stratégie paysagère du projet, en détaillant concrètement les intentions exprimées sur la base de visuels précis » (p15).
- Les arguments sont peu convaincants avec probablement des effets néfastes sur l’environnement et la santé
L’Autorité Environnementale ne croit pas aux affirmations du porteur de projet :
« L’analyse de l’empreinte environnementale n’est pas estimée (…) le dossier affirme malgré tout que ce projet constitue un « gigantesque chantier bas-carbone » (…) une telle affirmation ne repose aujourd’hui que sur des intentions » (p16). Rien n’est dit sur les flux de matériaux sortant, sur leur réemploi, le recyclage » (p22).
L’Autorité Environnementale ne fait pas confiance :
« L’Autorité Environnementale considère qu’il est nécessaire de démontrer que le projet global ne risque pas de réduire cet effet d’ilot de fraicheur en intervenant sur l’emprise du bâti, ses façades, les espaces publics et les matériaux qui les constituent » (p17) et recommandation N° 12.
Elle souligne encore que rien n’est dit sur la protection de la biodiversité : écureuil roux, oiseaux, chauve-souris, hérisson….. (p18) ; que l’abattage des arbres n’est pas assez argumenté (p 19).
Des choix sont plus que discutables :
« Les monocultures de gazons tondus au sein des espaces publics (…) présentent peu d’intérêt écologique. (…) Les talus et remblais prévus sur des terrains arborés sont susceptibles de nuire au développement des arbres et de leur système racinaire en rehaussant le sol » (p19).
Et plus grave encore :
« Le plan des équipements publics (nouvelle crèche, nouveau centre de loisirs) sont localisés à proximité de site Basias [ancien sites industriels], or la construction des établissements sensibles doit être évitée sur des sols pollués » (p 21).
Le public n’a pas été associé au projet, pas de bilan du relogement
Le public et les habitants du quartier ont été conviés à quelques réunions organisées par la mairie où on leur a présenté le projet, ils ont pu lire la presse municipale, mais ils n’ont jamais été associés à sa construction, et pour cause : comment peut-on associer les habitants à la disparition de leur logement ?
Une charte de relogement a été rédigée pour la 1ère phase de déménagement obligatoire des 3 îlots tests (2018-2023), la 2nde charte de relogement n’est apparue que fin 2024, mais pendant ce temps, Hauts-de-Bièvre-Habitat a continué à faire partir les habitants de leur logement sans leur donner d’informations et de garanties sur leurs droits. Aucun bilan des relogements n’a été publié.
La SCIC Hauts-de-Bièvre Habitat vient, d’ailleurs, d’être condamnée à une amende de 478 000 € par le ministère du logement pour ne pas avoir respecté les règles en matière d’attribution des logements.
(Décision du 23 avril 2025 portant sanction pécuniaire à l’encontre de la SCIC d’HLM Hauts-de-Bièvre Habitat NOR : ATDL2432785S)
Les mémoires en réponse (partie 4) n’apportent pas de réponses convaincantes, ou bien vont dans le sens des inquiétudes de la MRAe (réponses du cabinet Franck Boutté sur les parkings ou les balcons en façade nord cf. document 4_2_2).
Le porteur de projet continue à vouloir dénaturer un quartier au patrimoine remarquable mondialement reconnu, détruire des logements sociaux alors que notre pays connait une très grave crise du logement. Il fait des choix qui menacent la qualité environnementale de ce quartier très arboré qui est un ilot de fraicheur dans la ville.
Le président Macron dans son allocution du 4 mars 2025 aux rencontres nationales « Quartiers de demain », organisées à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, reconnaît qu’il ne faut plus démolir et reconstruire, mais réhabiliter les bâtiments. Ne faudrait-il pas l’écouter ?
Notre association donne un avis défavorable.
Pour consulter le dossier d’enquête : https://www.registre-numerique.fr/etude-impact-cite-jardin-chatenay-malabry/documents
Pour déposer une contribution (avant le 16 mais 17h) : https://www.registre-numerique.fr/etude-impact-cite-jardin-chatenay-malabry/deposer-son-observation
Pour consulter les contributions : https://www.registre-numerique.fr/etude-impact-cite-jardin-chatenay-malabry/voir-les-avis