Le gestionnaire des logements sociaux de la Butte Rouge
Hauts-de-Bièvre Habitat, qui gère environ 10 000 logements sociaux répartis sur Chatenay-Malabry et Antony vient d’écoper d’une lourde amende de la part du Ministère du logement à la suite du rapport de L’Agence Nationale de Contrôle du Logement Social (ANCOLS), l’équivalent de la Cour des Comptes pour le logement social. Pas moins de 478 000€ !
Que lui reproche l’ANCOLS ? Simplement de ne pas faire correctement son boulot de bailleur social.
1er problème : de trop nombreux logements sont vacants, en particulier à Chatenay-Malabry
L’Ile de France est une zone tendue, c’est-à-dire une zone où la demande de logement social est forte alors qu’il n’y a pas assez de logements. En moyenne en Ile de France, 4,2% des logements sociaux sont vacants, mais c’est 17.9% à Chatenay-Malabry en 2023 et le taux de vacance augmente malgré les engagements pris par Hauts-de-Bièvre Habitat (il était de 7,4% en 2020). Cela engendre une perte de loyers de plus de 4 millions d’€ en 2021, 4,5 millions d’€ en 2022 (encore plus les années suivantes) pour le bailleur. Cela ne témoigne pas d’une bonne gestion !
La vacance concerne à la fois des logements neufs et anciens.
Tout d’abord 82 logements neufs livrés en 2022 sont toujours vacants en 2023 au moment où le rapport est rédigé !
Là, il faudra nous expliquer quels projets tordus justifient de laisser des logements neufs achetés à plus de 3150€ le m² (hors taxes) sans locataires ! Hauts-de-Bièvre Habitat ne cherche pas à rentabiliser ses investissements ? C’est, pour le moins, curieux !
Les logements vacants sont aussi des logements anciens, plus de 1000 à la Butte-Rouge. Est-ce le projet de rénovation urbaine qui justifie que ces logements restent inoccupés ? Non, dit l’ANCOLS car une partie des logements vacants n’est pas dans le périmètre des travaux projetés (386 logements vacants sont hors du périmètre des deux premières phases).
« Le projet ANRU ne permet pas d’expliquer l’augmentation de la forte vacance commerciale » écrit l’ANCOLS dans son rapport. Alors est-ce l’état des logements ?
2ème problème : de fausses déclarations sur l’état des logements
« Une visite du patrimoine réalisée sur le site de la Butte-Rouge par l’ANCOLS permet d’établir que dans la grande majorité des situations rencontrées, l’argument du mauvais état technique pour motiver l’absence de remise en location des logements n’est pas recevable. »
Hauts-de-Bièvre Habitat prétend ne pas pouvoir remettre en location des logements en rez-de-chaussée, qui seraient trop humides. L’ANCOLS répond que le bailleur les surestime et qu’aucun document technique ne vient corroborer cette affirmation.
L’ANCOLS écrit encore : « L’analyse de la liste des logements vacants à Chatenay-Malabry, (…) 948 au 24 juillet 2023, selon Hauts-de-Bièvre Habitat, révèle en réalité que de nombreux logements étaient inoccupés depuis de nombreux mois, voire des années sans motifs probants »
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de logements en mauvais état, mais ce mauvais état (quand il existe) provient du manque d’entretien flagrant depuis plusieurs décennies. Les fuites d’eau ne sont pas réparées. Par exemple, depuis plusieurs années, au 17avenue Albert Thomas, sous le passage couvert, près des commerces, les passants voient la flaque la contourne, ou se prennent des gouttes sur la tête s’ils ne sont pas vigilants.… Les fuites à l’intérieur des bâtiments sont moins visibles, mais elles ne sont pas mieux réparées. Alors, bien sûr, quand on n’entretient pas, les bâtiments se dégradent. Mais il ne faut pas se tromper de cause : ce n’est pas parce que les bâtiments sont trop vieux (entre 90 et 70 ans pour des bâtiments qui ont été très bien conçus à l’origine, de l’avis des architectes qui les connaissent bien) ce n’est pas vieux ! Des villes conservent des bâtiments du Moyen-âge ou de la Renaissance qui sont notre fierté.
L’ANCOLS note le manque de célérité d’Hauts-de-Bièvre Habitat pour la remise en état des logements avant une nouvelle location, ou quand les logements ont été endommagés à la suite d’un sinistre. Par exemple, à la Briaude, il a fallu deux ans pour remettre des logements en location après un incendie ! L’ANCOLS souligne que ces délais ne sont pas justifiés.
L’ANCOLS écrit « la vacance technique1 est surestimée et s’apparente à une vacance commerciale2 volontaire » ! Autrement dit, Hauts-de-Bièvre Habitat laisse volontairement des appartements inoccupés. Est-ce une bonne gestion ?
3ème problème : les règles en matière de déclarations des logements vacants ne sont pas respectées
Le bailleur loue des logements sociaux, mais certains sont réservés à des réservataires qui sont principalement :
- Action Logement, en contrepartie du financement pour les salariés des entreprises cotisantes (anciennement le 1% patronal)
- L’Etat, c’est le contingent préfectoral. Au plus, 30% des logements sont réservés à l’Etat, dont 5% au plus à destination des fonctionnaires d’Etat, le reste est dédié aux ménages prioritaires3
- Les collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements….) : au maximum 20% des logements leur sont réservés en contrepartie des garanties d’emprunt
Les bailleurs doivent donc signaler aux réservataires toute évolution (comme le départ d’un locataire) c’est logique !
Or l’ANCOLS observe que Hauts-de-Bièvre Habitat ne déclare pas (ou avec un retard énorme) les logements vacants aux réservataires, principalement à la préfecture ! Quand la déclaration est faite, c’est en moyenne dans un délai de 223 jours, alors que la loi dit qu’elle doit être faite sous 8 jours ! L’ANCOLS n’apprécie pas.
L’ANCOLS souligne que « Le défaut d’information des réservataires lors de la libération d’un logement génère, non seulement une forte vacance, mais également un non-respect des obligations en matière d’attribution, particulièrement concernant le parc de Chatenay-Malabry »
En effet qui pâtit de cette situation ? Les ménages prioritaires et les plus pauvres. Selon la loi, 25% des logements devraient être attribués à des publics prioritaires sur les différents réservataires. Le contingent préfectoral « mal logés » doit être entièrement attribué à ces ménages. Or, c’est surtout à la préfecture que Hauts-de-Bièvre Habitat ne déclare pas les logements vacants…. Est-ce intentionnel afin d’éviter de loger certains ménages ?
La loi n’est pas appliquée et Hauts-de-Bièvre Habitat n’en a cure !
C’est très grave, car de nombreuses personnes restent sans logement, alors qu’il y a des disponibilités, simplement parce que la préfecture n’est pas informée.
L’ANCOLS relève aussi que Hauts-de-Bièvre Habitat n’a pas actualisé les conventions signées avec les différents réservataires.
4ème problème : absence de charte de relogement dans le cadre de la rénovation urbaine de la Butte-Rouge
La rénovation urbaine de la Butte-Rouge voulue par la mairie (c’est-à-dire le changement radical du quartier) oblige tous les locataires à déménager au moins une fois.
Une première vague de déménagement forcé dans les îlots tests a débutée en 2018 avec une charte de relogement, c’est-à-dire un texte qui définit les droits des locataires (montant du nouveau loyer, qui fournira les cartons, qui paiera le déménageur, les transferts d’abonnements électricité, gaz, téléphone, etc.).
Selon l’ANCOLS, cette charte, qui couvrait la période 2017-2023, comportait des lacunes et n’était pas correctement appliquée, en particulier sur les déclarations des logements vacants, leur utilisation, et sur l’état d’avancement des opérations de relogement. Il n’y a pas eu de bilan des opérations de relogement, alors que c’est une obligation légale.
Une seconde vague de déménagement forcé a commencé en 2023, dans la partie la plus ancienne de la Butte-Rouge sans charte de relogement et alors que le projet de rénovation urbaine n’était pas très avancé. Donc sans aucune garantie pour les locataires. Il a fallu attendre 2025, et les pressions de l’ANCOLS et de l’amicale CNL des locataires pour qu’une nouvelle charte de relogement soit signée et présentée aux locataires qu’Hauts-de-Bièvre Habitat force à partir. Elle n’est guère plus précise que la précédente.
L’ANCOLS note aussi que le projet de rénovation urbaine fera disparaître de nombreux logements sociaux (1130 selon ses calculs, mais sans doute davantage) ce qui posera des problèmes pour le relogement. C’est sans doute pour cela qu’il n’y a aucun droit au retour inscrit dans les chartes de relogement. En effet, avec cette rénovation urbaine le quartier passera de 98% de logements sociaux à 40%. Il est évident qu’on ne peut pas reloger tout le monde à la Butte-Rouge. Où iront ceux qui ont besoin d’un logement social quand on en détruit alors qu’il en manque déjà dans la région ? 13 500 ménages attendaient déjà un logement social à Chatenay-Malabry ou à Antony en 2022. La situation n’a pu qu’empirer depuis.
5ème problème : l’absence de mixité sociale à Antony
Pour garantir une mixité sociale, La loi Egalité-Citoyenneté de 2017 oblige les bailleurs sociaux à réserver, hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville4 (QPV), 25% des logements attribués chaque année aux ménages les plus pauvres et à ceux qui sont contraints de déménager quand il y a une rénovation d’un quartier. Dans les QPV, 50% des logements attribués chaque année doivent être réservés à des ménages plus aisés. Ainsi, l’idée est d’éviter d’avoir une concentration de ménages pauvres dans les QPV.
A Antony, c’est seulement 9,3% des nouveaux contrats de location qui ont été attribués à des ménages pauvres dans le QPV, bien loin des 25%.
Est-ce que l’ANCOLS est un gendarme impitoyable ?
L’ANCOLS fait un premier rapport, enjoint le bailleur à prendre des mesures pour corriger les infractions constatées, et sanctionne quand le bailleur n’a pas pris les mesures nécessaires. C’est ce qui s’est passé pour Hauts-de-Bièvre Habitat. Le premier contrôle a été fait en 2021, le second en 2023, où l’ANCOLS constate que Hauts-de-Bièvre Habitat n’a pas pu justifier les dysfonctionnements, ni mis beaucoup d’empressement pour y remédier, donc la sanction est tombée.
Où ira l’argent de la sanction ?
478 000€ sont perdus pour les locataires d’Antony et Chatenay-Malabry, mais ils ne sont pas perdus pour le logement social car la somme sera versée à la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social (organisme qui finance les acteurs du logement social comme l’USH, aide les bailleurs sociaux en difficultés financières, participe aux projets de rénovation urbaine avec l’ANRU….)
La plus grosse perte pour les locataires ce sont les plus de 4 millions d’€ perdus chaque année, à cause des logements vacants. Avec 4 millions d’euros par an, on peut financer des travaux d’entretien, rénover les logements sans démolir….
D’où vient Hauts-de-Bièvre Habitat, ce gestionnaire peu soucieux du respect des lois ?
C’est une coopérative HLM créée par les mairies d’Antony et Chatenay-Malabry pour répondre aux obligations imposées par la loi ELAN de 2018.
Avant 2018, Antony Habitat gérait 5000 logements à Antony, et Hauts-de-Seine Habitat 5000 logements à Châtenay-Malabry (mais 47 000 dans le département). La loi ELAN impose, pour tout organisme HLM gérant moins de 12 000 logements sociaux, de se regrouper. Ainsi Antony Habitat ne pouvait pas rester seul, mais aurait pu intégrer Hauts-de-Seine Habitat, le plus gros bailleur du département. Ce n’est pas le choix qui a été fait.
Antony Habitat est devenu au 1er janvier 2018, Hauts-de-Bièvres Habitat assurant la gestion des 5000 logements d’Antony et 5000 logements de Châtenay-Malabry qui étaient gérés par Hauts-de-Seine Habitat.
Cette fusion dans une structure locale laisse plus de liberté aux élus LR pour leur grand projet : la rénovation urbaine de la Butte-Rouge, c’est-à-dire sa démolition programmée pour gentrifier Châtenay-Malabry, une ville où il y a, à leurs yeux, trop de logements sociaux.
Le ministère du logement n’a pas retenu tous les manquements soulignés par l’ANCOLS, seulement ce qui concerne l’absence de déclaration de logements vacants et le manque de mixité sociale à Antony. A combien se serait-elle élevée si le ministère du logement avait retenu tous les dysfonctionnements ?
1 Il s’agit d’appartements qui ne sont pas loués car des travaux de réhabilitation (électricité, plomberie….) doivent être faits, ou bien d’appartements qui seront vendus ou encore démolis.
2 Les appartements ne sont pas loués alors qu’ils peuvent l’être
3 DALO droit au logement opposable. Il s’agit de personnes à faibles revenus, ou qui n’ont pas obtenu un logement adapté à la taille de la famille, ou en situation de handicap, ou encore des personnes victimes de violences familiales, ou des personnes vivant dans un logement insalubre ou dangereux
4 Les QPV sont des territoires où l’Etat et les collectivités territoriales interviennent, afin de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines. Ils sont identifiés à partir du revenu par habitant.