Ce projet ne respecte pas l‘héritage patrimonial du site, ni la mémoire sociale du logement à la Butte Rouge. Il sera destructeur pour une grande partie des espaces verts, des arbres et de la vie animale. Enfin, il conduira au déménagement forcé d’une très grande partie des habitants actuels.

Nous demandons un classement qui protège toute la Butte Rouge compris la Cité des Peintres, et qui protège à la fois tous les bâtiments et l’harmonie d’ensemble entre bâti et espaces verts, sans privatiser ces espaces.

Nous prononçons donc un avis très défavorable (pour consulter notre avis https://www.registre-numerique.fr/spr-chatenaymalabry/voir-avis/22fddc56-ba99-4e0d-8def-ad719b9c0590)

Pour participer à l’enquête  : https://www.registre-numerique.fr/spr-chatenaymalabry/deposer-son-observation

Pourquoi ?

Note : les documents cités comme pièce sont disponibles sur le site de l‘enquête publique, dans la rubrique document.

1. Le périmètre proposé ne protège pas toute la Butte Rouge

Il protège moins de 50% et exclut sur le plateau des aviateurs toutes les bordures coté forêt et coté avenue de la Division Leclerc. Il exclut aussi le coteau. La cité des Peintres n’est pas mentionnée dans le projet or, elle fait partie intégrante de la Butte Rouge.
Tous les documents qui la décrivent, font état d’une construction en 7 tranches, dont la 6ème est la cité des Peintres. Sur le site du ministère de la culture, au titre du patrimoine remarquable du XXème siècle, la cité des peintres est bien répertoriée avec toute la partie située au sud de l’avenue de la Division Leclerc. On peut donc s’interroger sur les raisons de cette exclusion, quels sont les projets non révélés à ce jour qui la concernent ?

2. Le classement SPR proposé protège mal

  • dans le périmètre des démolitions pourront avoir lieu (cf. pièce 3 p 400 : rues Robert Hertz, Eugène Pottier, et Paul Lafargue)
    Une très grande majorité des immeubles du périmètre SPR sont protégés mais pourront être requalifiés, même les maisons privées des rues Emile Durkheim et Benoit Malon, les bâtiments protégés pourront recevoir des modifications ponctuelles (pièce 3 carte p 379)
  • le site, qui est harmonieux dans son ensemble, sera dénaturé par le projet de rénovation urbaine :
    • privatisation des espaces verts au pied des immeubles au profit des seuls habitants des rez-de-chaussée
    • de nouveaux immeubles seront construits qui ne respecteront pas le caractère de la Butte Rouge (voir le bâtiment construit à la place de l’ancienne école Suzanne Buisson avenue de Pressensé)
  • Nous demandons que les bâtiments emblématiques : les 4 tours ‘signals’, le belvédère Berthelot, la demi-lune, les bâtiments des 4 entrées soient classés monuments historiques pour renforcer leur protection, en plus du SPR.

3. Le projet présenté dans la pièce 3 est flou et mal adapté

  • dans le Chapitre VI, le projet de rénovation urbaine est présenté, or il ne concerne pas le classement SPR, est-ce parce qu’il le conditionne ? En effet on pourrait s’attendre à ce que le classement soit élaboré pour préserver ce qui doit l’être, puis, que le projet de rénovation urbaine s’adapte à ce classement. Ici la démarche est inverse, le projet de rénovation urbaine précède le classement, et c’est le classement SPR qui s’adapte au projet de rénovation urbaine.
    Le plan de la page 256 montre des bâtiments de différentes couleurs sans apporter de justification en précisant toutefois que les bâtiments repérés en « blanc » n’ont pas fait l’objet « d’analyse détaillée à ce stade des études ».
  • Ainsi un périmètre est proposé dans un contexte où un grand nombre de bâtiments n’ont pas fait l’objet d’analyse détaillée. 
    La carte présentée en page 262, expose les « zones à capacité d’adaptation importante permettant d’apporter des réponses à plusieurs enjeux programmatiques. » 
    Quels sont ces enjeux programmatiques ?
    Ils ne sont pas précisés. S’agit-il du projet de rénovation urbaine (voir pièce 3 chapitre 6 pages 191 à 232), qui a été élaboré bien avant le projet de classement SPR, puisque c’est celui qui motivait la modification n°4 du PLU (annulée par le tribunal administratif de Cergy en juin 2023). Ainsi le périmètre du SPR que la mairie de Châtenay-Malabry et l’EPT Vallée Sud Grand Paris proposent n’est pas celui qui correspond à la préservation d’un site remarquable, mais qui est compatible avec leur projet de rénovation urbaine élaboré depuis longtemps.

  • L’outil de gestion choisi pour ce SPR est présenté dans une petite note page 257, il s’agit d’un PVAP (Plan de Valorisation du Patrimoine et de l’Architecture), ce choix est discutable et devrait faire aussi l’objet d’une communication détaillée en précisant les différents outils possibles : PSVM, PVAP ou les 2 en même temps.

    Le PVAP « identifie les immeubles, espaces publics, monuments, sites, cours, jardins, plantations et mobiliers urbains à protéger et à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural. » (Sites et monuments). Cette protection est insuffisante car elle permet de laisser des espaces qui pourront être modifiés, bien qu’étant dans le périmètre du SPR. La carte de la page 400 de la pièce 3 est sans équivoque, des immeubles situés sur un coté des rues Robert Hertz, Eugène Pottier ou Paul Lafargue pourront être démolis et reconstruits (voir les photos présentés sur le site de Sites & Monuments).
    Alors qu’un Plan de Sauvegarde et de mise en Va­leur (PSMV) « s’inscrit dans une démarche globale croisant les préoccupations patrimoniales et le traitement des besoins lies au fonctionnement et à l’évolution de l’ensemble urbain : habitat, activités, déplacements et stationnement, mobilité, accessibilité, équipements publics, etc… » (Mi­nistère de la Culture direction générale des patrimoines), il est en principe élaboré sous la maîtrise d’ouvrage de l’État (Direction régionale des affaires culturelles – DRAC).

4. Certains objectifs présentés comme justifiants le classement et le périmètre SPR, n’ont rien à voir avec un SPR

Ils sont à la base du projet de rénovation urbaine, il y a un amalgame entre classement SPR et rénovation urbaine, est-ce volontaire pour entretenir la confusion ?
Voici la liste des objectifs répertoriés dans la note de présentation pièce 1, pages 4 et 5

  • désenclaver la Cité Jardin et la rendre attractive au-delà de ses propres limites ;
    mettre en valeur le patrimoine du XXème siècle dans une logique d’adaptation et de transmission aux générations futures ;
  • créer les conditions de la mixité sociale ;
  • proposer des logements plus grands et des typologies diversifiées correspondant aux besoins des familles et au parcours résidentiel ;
  • proposer des logements accessibles et aux normes de confort actuel, en lien avec le parc et la forêt ;
  • accueillir une densification urbaine raisonnée répondant aux objectifs franciliens ;
  • préserver et consolider les principes paysagers majeurs et organiser les outils de leur pérennité
  • préserver l’identité esthétique de la Cité Jardin et affirmer le langage architectural entretenu par les différentes phases historiques.

Si certains objectifs sont pertinents pour un classement SPR, d’autres sont hors-sujet.
En effet « Les Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) visent à protéger des villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, d’un point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public. » (Ministère de la Culture).

  • Objectif : mettre en valeur le patrimoine du XXème siècle dans une logique d’adaptation et de transmission aux générations futures
    Mais pour l’atteindre, il est nécessaire que le périmètre du SPR couvre 100 % de la Cité-jardin (y compris la Cité des Peintres) et que tous les aspects qui font la cohérence et la valeur de cet ensemble urbain soient conservés.
  • Objectif : désenclaver la Cité-jardin
    La Cité-jardin n’est pas enclavée, elle est en bordure du tramway T10, une ligne de bus la parcourt ainsi que de nombreuses sentes piétonnes
  • Objectif : proposer des logements plus grands et des typologies diversifiées correspondant aux besoins des familles et au parcours résidentiel
    Cet objectif est imprécis, de quelle famille parle-t-on, des familles qui habitent actuellement la Butte Rouge ou des futures familles ?
    Au début du projet de rénovation urbaine (2016-2017), il a été mis en avant (sans toutefois le démontrer) que les familles habitant dans la Butte souhaitaient habiter des appartements plus grands. Or le projet de rénovation urbaine ne propose de conserver que 40 % des logements sociaux actuels. De plus, les analyses INSEE montrent que le salaire médian de la Cité-jardin ne permet pas à une grande partie des habitants actuels d’acheter leur appartement ou même de pouvoir obtenir un logement social de taille supérieure. Donc, les « besoins des familles » ne sont pas ceux de la majorité des familles qui habitent actuellement à la Butte Rouge. Ce manque de précision dans ce type de communication est inadmissible et trompeur.
    Il est à noter que les critiques faites sur les tailles des pièces des appartements de la Cité-jardin sont largement injustifiées : en effet il suffit de regarder dans le neuf la taille des appartements proposés et la taille des pièces.
    Sur cet objectif, il aurait fallu que les affirmations communiquées soient étayées et justifiées.
    Enfin, si on accepte cet objectif comme tel, cela ne justifie toujours pas un périmètre de protection réduit à 50 %.
  • Objectif : proposer des logements accessibles et aux normes de confort actuel, en lien avec le parc et la forêt ;
    La Cité-jardin est déjà en lien avec la forêt, la protection SPR ou le projet urbain ne peuvent que respecter le lien existant afin de ne pas dégrader la forêt et maintenir les continuités écologiques actuelles.
    Les logements des RDC peuvent être rendu accessibles facilement aux personnes à mobilité réduite. Une réhabilitation doit permette de mettre les appartements aux normes actuelles sans qu’il soit nécessaire de le préciser puisque la loi l’impose.

  • Objectif : préserver et consolider les principes paysagers majeurs et organiser les outils de leur pérennité
    Cet objectif n’est pas atteint dans le projet de périmètre SPR proposé comme cela est démontré dans la pièce 5.1 en page 9/24. (Avis de l’Inspection des patrimoines et de l’Architecture)
    « Indifféremment des périodes, la majeure partie des formes urbaines qui sont pourtant encore aujourd’hui homogènes, cohérentes et qualitatives, sont fractionnées, notamment celles inclues dans la proposition de périmètre, en conservant uniquement certains espaces paysagers, certains bâtiments et certaines séquences bâties. D’ailleurs plus au regard du projet urbain que d’un projet patrimonial et au détriment d’une valeur d’ensemble, d’abord historique mais en même temps urbaine architecturale et paysagère. Cela aboutit à une transformation et une amputation de ces quartiers, d’autant que nombre des bâtiments conservés ne seront pas réhabilités strictement dans leur enveloppe et que l’on peut craindre également pour la conservation des espaces paysagers intérieurs ne serait-ce qu’en raison de la création de places de stationnement qui devrait modifier leur morphologie et la résidentialisation de leur fonctionnalité.
    De plus, ce projet retient presque uniquement la composition monumentale de la Butte-Rouge et une partie du bâti qui l’accompagne, certes qui formalise en partie l’ossature de la cité, mais qui semble minimiser le rôle du réseau collectif des sentes et venelles qui parcourt toute le cité et qui est l’autre dimension structurelle forte de la Butte-Rouge en cela qu’elle permet l’appropriation collective du cadre paysager et constitue l’irrigation du quartier par la circulation piétonne au cœur des jardins. »
    Ce projet sera destructeur pour une bonne partie des espaces verts, des arbres et de la biodiversité.

  • Objectif : préserver l’identité esthétique de la Cité Jardin et affirmer le langage architectural entretenu par les différentes phases historiques
    Cet objectif n’est pas atteint dans le projet de périmètre SPR proposé, comme cela est démontré dans la pièce 5.1 en page 9/24 (Avis de l’Inspection des patrimoines et de l’Architecture)
    « En effet, ce qui frappe encore aujourd’hui c’est que la cité-jardin constitue un ensemble identitaire cohérent : unité de site, unité urbaine, unité paysagère.
    Cependant, le périmètre du SPR tel que proposé par la collectivité ne comprend pas le site dans son intégralité, mais seulement environ 50 %. En effet, il intègre assez largement les tranches datant d’avant 45 mais seulement une faible représentation des périodes ultérieures.
     »

Des objectifs hors sujet :

  • Objectif : créer les conditions de la mixité sociale
    Les conditions de mixité sociale n’ont rien à voir avec le bâti. Cet objectif ne peut être évoqué dans le cadre du classement patrimonial.
  • Objectif : accueillir une densification urbaine raisonnée répondant aux objectifs franciliens
    Cet objectif n’est pas justifié, en effet le territoire se voit imposer des objectifs de construction, mais ils sont largement atteints, et même dépassés à Châtenay-Malabry ce qui ne justifie pas de devoir densifier aussi la Cité-jardin. (source : https://www.drihl.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_crhh_2022_apres_sr_v_def.pdf)

5. Le périmètre proposé fragmente le quartier dans certaines rues

Un côté de la rue est dans le SPR, l’autre côté en dehors (rues Édouard Vaillant, Paul Lafargue, Henri Barbusse). Pourtant le rapport (pièce 3) souligne l’harmonie d’ensemble de la Butte Rouge, l’équilibre entre bâti et végétal. Donc ce périmètre est contradictoire avec les qualités reconnues de la Butte Rouge et présentées comme devant être défendues. On ne peut pas être d’accord avec tant d’incohérences. Pour plus de détail voir l’article de Sites & Monuments à ce sujet.

6. Le rapport souligne les dysfonctionnements de certains lieux et bâtiments

Et utilise cet état pour justifier ainsi leur exclusion du périmètre du SPR. Or ces dysfonctionnements ont été créés après l’achèvement de la construction de la Butte Rouge et sont le fait de la municipalité ou des bailleurs successifs.
Par exemple, dans la pièce 3 jointe à cette enquête publique :

  • la photo 1 page 238 montre un bâtiment, situé au 351 de la Division Leclerc, dont l’environnement s’est dégradé car les espaces verts qui le longeaient ont été détruits pour installer le tramway T10.
  • dans la pièce 3 page 68, la fontaine du square des Américains construite entre 1994 et 1998, « est délabrée, et un net sentiment d’abandon s’en dégage » .
  • A propos de la frange urbaine (pièce 3 page 94 ) : « cette partie du linéaire est fortement hétérogène au niveau de ses qualités (…) se succèdent limites poreuses qualitatives (à l’image de toute la frange du plateau, située à l’ouest de l’avenue Francis de Pressensé) et façades décontextualisées de l’ensemble patrimonial. Ce type d’opération récente épaissit l’ourlet urbain formé autour de l’avenue de la Division Leclerc, sans couture avec le tissu patrimonial, dans des situations d’arrières problématiques. Il isole la Butte Rouge, alors que les limites directes en façades, telles qu’on peut les observer le long de la tranche III (Plateau) ménagent des porosités et percées visuelles qui apparaissent bien plus qualitatives »
  • A propos de l’axe paysager (pièce 3 page 97) « magistral dans les tranches I-II-IV (…) il est considérablement affaibli par les modifications successives de la place Léon Blum qui ont abouti à un effacement de la composition et des limites de la place. »

Dans ce projet de rénovation urbaine, peut-on faire confiance à une équipe municipale qui, depuis son élection en 1995, a permis de telles dégradations de la cité-jardin qu’elle prétend défendre, et qui n’a pas poussé les différents bailleurs sociaux à mieux entretenir la Butte Rouge, alors que le maire et des adjoints sont membres du conseil d’administration de Hauts de Bièvre Habitat ?

7. le projet de rénovation urbaine qui sous-tend ce classement SPR conduira à l’exclusion d’une grande partie des habitants actuels de la Butte Rouge

Ces habitants ne pourront être relogés sur place. L’objectif est de passer de 98% de logements sociaux PLAI à 40% (où les loyers pourront être plus élevés que ceux des PLAI). 1600 logements sociaux disparaitront alors que nous vivons une crise importante du logement (bombe sociale selon la fondation Abbé Pierre). Rares sont les habitants actuels qui auront les revenus suffisants pour acheter les nouveaux logements privés. Ce projet ne respecte pas l’héritage patrimonial du site, ni la mémoire sociale du logement à la Butte Rouge.

8. Les autorités compétentes qui se sont prononcées sur ce projet (et sur la rénovation de l’ilot test Mermoz) ne sont pas favorables et soulignent le flou et l’imprécision du projet

  • Voir dans la pièce 5 l’avis de l’Inspection des Patrimoines et de l’Architecture,  la conclusion en page 12  : « même si l’on ne peut pas nier la volonté de protéger le patrimoine de la Butte Rouge par la collectivité, il reste que la proposition de SPR, en l’état, n’emporte pas la conviction au regard des enjeux urbains, architecturaux et paysager de cette cité-jardin. ».
  • Voir le rapport de la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale. Elle souligne que « les démolitions ne sont pas justifiées par l’état du bâti », que « l’empreinte carbone du projet n’est pas mesurée », qu’il n’y a « pas de diagnostic architectural et patrimonial sur les édifices visés par les démolitions et rénovations ». On ne démontre pas que le projet pourra « préserver les qualités urbaines architecturales et culturelles de la Butte rouge ». « Les stratégies paysagères ne sont pas précisées »…

Nous invitons Madame la Commissaire enquêtrice à suivre les avis de ces personnes et institutions qualifiées, et à ne pas donner un avis favorable à ce projet.

A ces avis s’ajoutent ceux de très nombreuses personnalités et institutions compétentes qui ont pris fait et causes pour la Butte Rouge :

Le 20 mars 2024, les associations du G7 Patrimoine ont écrit à Mme la ministre de la Culture concernant la cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry en lui demandant d’exercer ses prérogatives en matière de classement d’office des Sites patrimoniaux remarquables. La délimitation proposée par la municipalité est en effet incohérente et dictée, non par l’intérêt patrimonial de la cité-jardin, mais par des opportunités de construction.